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En plein cœur de l’Inde de 1975 et de ses 623 millions d’habitants séparés les barrières de leur caste, Maneck, jeune homme envoyé à l’université par ses parents inquiets de la mondialisation qui s’invite jusqu’au creux de leurs montagnes, n’aurait jamais dû croiser Ishvar et Omprakash, deux Intouchables. Om, le neveu, et Ishvar, son oncle. Deux Intouchables qui étaient destinés à travailler le cuir, dans la puanteur des tanneries, et dont l’interdiction d’un métier plus noble était absolue. Mais des années auparavant, Ishvar a refusé cette destinée, au péril de sa vie et de celle de ses proches, et désormais, c’est le métier de tailleur qu’il exerce, avec son neveu. Tailleurs pour Dina Dalal, qui, pour échapper à l’emprise de son frère et conserver un peu de son indépendance, loue une chambre à Maneck et fait travailler Om et Ishvar chez elle, dans son atelier.
Mais l’équilibre est extrêmement fragile pour notre quatuor, victime directe de l’autoritarisme du terrifiant système politique en place. Avec l’instauration de l’état d’urgence, le chemin déjà compliqué de notre quatuor devient un champ de mines. Rafles violentes pour rameuter les foules lors des discours du Premier ministre, pour fournir de la main d’œuvre gratuite, ou pour des campagnes de stérilisation forcée, Dina, Maneck, Om et Ishvar sont plus d’une fois séparés de force. Maltraités, torturés. Mais ils se retrouvent toujours et remontent la pente ensemble. Toujours, ou presque.
On ne pense pas un quart de seconde à un happy end à l’eau de rose. Le récit est dur, le lecteur aussi peu épargné que ses personnages. Ce roman est pourtant passionnant et d’une richesse incroyable. Il explore les rapports humains, la méfiance et le poids des castes, dont les barbelés invisibles empêchent les relations humaines et sociales. La force aussi d’une amitié construite en dépit des interdictions, la douleur de l’injustice, son poids sourd qui ronge les personnages, autant que nous lecteur.
J.S
Rohinton Mistry, L’Equilibre du monde, aux éditions du Livre de Poche, 883 pages